Œuvres tissées

Christmas 1926

Christmas 1926 (Noël 1926)
D’après une aquarelle originale de J. R. R. Tolkien tirée de Letters from Father Christmas, 1926, tapisserie de 2,84 m x 2,20 m, tissage Atelier Guillot, Aubusson, 2018. Collection Cité internationale de la tapisserie. © The Tolkien Estate Ltd 1976.

C'est dans l'atmosphère chaleureuse des jours qui précèdent les fêtes de Noël qu'est tombée du métier, le vendredi 21 décembre 2018, Christmas 1926, la quatrième tapisserie du projet « Aubusson tisse Tolkien ». Au moment du dévoilement, le public réuni dans l’ambiance intimiste de l'amphithéâtre de la Cité de la tapisserie s'est laissé envoûter dans la féerie de Noël, découvrant une poésie et une espièglerie peu connues dans l’œuvre de J.R.R. Tolkien.

Moment de partage et révélation festive par excellence, la tombée de métier de Christmas 1926 aux côtés des lissiers de l'Atelier Guillot, a été l’occasion pour un public jeune et familial de se retrouver autour de cette œuvre qui parle aux petits comme aux plus grands. Cadeau avant l’heure, enfants et adolescents ont pu prendre part à la cérémonie et couper quelques fils de chaîne pour libérer la tapisserie de son métier. Rien que de plus normal pour une œuvre que Tolkien avait, à l’origine, créé pour ses enfants !

 

Retrouvez la tombée de métier en vidéo :

L'œuvre

L'aquarelle originale

En 1920, John Tolkien, fils aîné de l’auteur, alors âgé de 3 ans, reçoit une lettre apparemment expédiée du Pôle Nord par le Père Noël en personne. Cette lettre lance une tradition familiale qui perdure jusqu’en 1943, soit jusqu’aux 14 ans de Priscilla, la cadette des quatre enfants Tolkien. Le Père Noël raconte aux enfants Tolkien son quotidien et souvent les mésaventures de son premier assistant, l’ours polaire Karhu. Au fil des années, les lettres deviennent de plus en plus longues, et sont accompagnées d’une ou plusieurs illustrations. Sur les enveloppes, J. R. R. Tolkien dessinait un timbre représentant le Pôle Nord : c’est littéralement un pôle, bien que découpé par une stalagmite géante, adossé à une aurore boréale. Cette représentation du Pôle Nord est l’élément de base dans la lettre et l’illustration de 1926.

Lettres et dessins furent publiés pour la première fois en 1976 par Baillie et Christopher Tolkien chez George Allen & Unwin.

Letters from Father Christmas (Extrait – Christmas 1926)

« La manette déclenchant les feux d’artifice de l’Aurore Boréale se trouvait toujours dans la cave de mon ancienne maison. L’Ours du Pôle Nord savait qu’il ne devait jamais, au grand jamais y toucher : je ne l’y autorisais qu’en certaines occasions comme la Noël. Il pensait qu’elle était bloquée depuis que nous avions déménagé ; quoi qu’il en soit, tout de suite après le petit déjeuner, il a tourné autour des ruines (il cache des choses à manger), et il a déclenché toutes les Lumières Septentrionales de deux années en une seule fois. Vous n’avez jamais entendu ni vu quelque chose de semblable. J’ai essayé d’en faire un dessin, mais je tremble trop pour le faire comme il faut, et comment peut-on d’ailleurs peindre la lumière fusante ? »

Un tissage intimiste

 


© The Tolkien Estate Ltd. 1976 / Cité internationale de la tapisserie

Dans leur lettre, Tolkien et son Père Noël se demandent comment « peindre la lumière fusante », une question qui a sûrement fait sourire Delphine Mangeret, la cartonnière de la tapisserie, en se demandant à son tour comment la tisser, cette « lumière fusante » ! Elle nous précise, à l’occasion du dévoilement : « La difficulté était de retranscrire la lumière. C’était un jeu de confrontation, de contraste entre les clairs et les foncés. Et puis il y avait aussi tout un travail sur les formes en fait : comment retranscrire ces espèces de flammes de lumière qui viennent, qui semblent surgir du sol ? Donc là aussi le travail de la ligne était important. » Défi supplémentaire, il s’agissait de traduire ce contraste et ces couleurs avec les mêmes laines que celles utilisées pour toutes les autres œuvres de la tenture Tolkien. 

Les lissiers et lissières Patrick et Marie Guillot et Natalie Mouveroux ont œuvré à la confection de cette nouvelle pièce, plus fine et moins monumentale que les autres. « Les trois pièces liées à Noël, c’était quelques chose de plus familial et de plus intime. On est sur un tissage beaucoup plus fin, qui sera dans cet esprit plus intimiste, […] donc une taille un peu moins monumentale pour être plus dans l’esprit familial de ces dessins-là », explique Bruno Ythier, conservateur de la Cité internationale de la tapisserie. Lors du tissage, cette intimité a été retranscrite par l’emploi de la technique des « rayures-bâton » plutôt que celle « battages », privilégiée pour les premières œuvres du projet.

Les œuvres de la tenture Tolkien représentent aussi un défi technique du point de vue du tissage : tisser comme si J. R. R. Tolkien en personne avait amené ses dessins aux ateliers d'Aubusson, c'est-à-dire en s'inspirant des réalisations des années 1930 au sein de l’École nationale d’Art décoratif d’Aubusson. Il s'agissait alors de mettre en œuvre un principe d’interprétation ancien que l’École avait remis en avant : l’usage de couleurs pures et une écriture technique très marquée, en prenant modèle sur la tapisserie des XVe et XVIe siècles, peu utilisée aujourd’hui. Un choix particulièrement pertinent puisqu’il fait écho à la manière dont Tolkien peignit ces lettres au Père Noël, comme l’explique sa belle-fille, Baillie Tolkien : « Je crois que mon beau-père avait travaillé directement de la palette de sa boîte de couleurs sans mélanger, c’est pour ça que les couleurs sont tellement pures ; pas très sophistiquées mais ce qui sortait de la boîte. »