Création – Cécile Le Talec, artiste française née en 1962, vit et travaille en France (dans le Cher et à Paris). Tissage – Atelier A2, Aubusson
Le son et l’espace sont les champs d’exploration de Cécile Le Talec. « Lorsque j’ai connu l’existence du langage sifflé, ça a été comme la découverte d’un trésor… la langue des oiseaux parlée par des hommes : entre musique et paroles. (…) Suite à mes rencontres avec les spécialistes linguistes et ethno-musicologues, j’ai commencé mes « expéditions » et « explorations des langues » à travers le monde (…). Mes collaborations et mes rencontres avec les siffleurs m’ont permis de réaliser et produire des projets artistiques qui se sont nourris de la langue sifflée et de son extraordinaire particularité ».
Projet architectural tissé et sonore, Panoramique polyphonique invite le visiteur à pénétrer l’espace tissé et sa lumière bleutée pour écouter une bande musicale mixant des chants d’oiseaux et le langage sifflé de l’Ile de la Gomera (le silbo), lui-même inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. La tapisserie évoque un panorama de montagne et est l’illustration d’un spectrogramme de chants d’oiseaux.
Toute personne 2 – Tissage métissage, Vincent Bécheau & Marie-Laure Bourgeois
3e Prix – Appel à création contemporaine 2012
Création – Marie-Laure Bourgeois, artiste architecte designer française née en 1955, vit et travaille en France (St Géraud de Corps) et Vincent Bécheau, artiste architecte designer français né en 1955, vit et travaille en France. Tissage – Atelier Catherine Bernet, Felletin, 2016 Tapisserie de basse lisse, chaîne coton, trame en laine et soie, 6-7 fils de chaîne au cm Couleurs : teinture Filature Terrade, Felletin, (teinture chimique)
Marie-Laure Bourgeois et Vincent Bécheau conçoivent ensemble du mobilier intérieur et urbain ainsi que des sculptures. Toute personne 2 s’inscrit dans un ensemble de créations utilisant l’écriture et porteuses d’un militantisme en faveur de la paix.
Pour cette œuvre, les artistes ont mené une réflexion sur la guerre, la paix, la notion de frontière et la représentation du dialogue. La pièce met en exergue la double nature de la frontière, ligne de séparation déclarée par les États et zone d’échanges investie par les personnes. Les lettres sont des signifiants de l’universalité du langage, sans message écrit. Les alphabets du monde entier se croisent et se mêlent jusqu’à de loin laisser place à un graphisme dense formant paysage.
L’œuvre est constituée d’une tapisserie rectangulaire avec une découpe dressée en porte. Au dos, les fils de trame de l'envers du tissage ont été laissés longs et noués de façon régulière.
Toute personne 2 fait se rejoindre en une seule pièce monumentale (2,80m Ht x 8m L x 2m l), tapis et portière qui sont des productions traditionnelles de tapisseries d’ameublement d’Aubusson.
Alexandre Moronnoz & Julie Costaz, 2e Prix – Appel à création contemporaine 2012
Alexandre Morronoz et Julie Costaz ont présenté, pour l’édition 2012 de l’appel à création de la Cité de la tapisserie, sur le thème "Mobilier design en Aubusson", un projet de bibliothèque monumentale intitulé Stock Exchange dont le motif représente les écrans de la bourse de New York. Dimensions du projet : 505,5 cm l. x 200 cm ht x 27,5 cm prof.
Le projet s’inscrit en cohérence avec les recherches d’Alexandre Moronnoz : son travail s’articule autour d’une réflexion sur les enjeux pratiques des objets et sur l’appropriation des espaces publics et partagés par les usagers. Ainsi, la tapisserie qui recouvre la bibliothèque est pensée comme un espace continu, sans interruption de motif. Dans la structure faite de métal et de bois sont insérés des casiers pour créer des espaces de rangement.
Le projet repose sur 30 nuances de couleurs, dont 6 pures. Les typographies sont blanches. Un important travail de réflexion sur la technique de tissage a été mené par Julie Costaz, designer spécialiste du textile : le tissage devrait s’effectuer dans le sens de la longueur et certaines parties seraient volontairement non tissées pour obtenir des ajours correspondant à l’emplacement des casiers de la bibliothèque.
Né en 1977, Alexandre Moronnoz est normalien. Il a ensuite étudié à l’École Nationale Supérieure de Création Industrielle (ENSCI-Les Ateliers) à Paris. En 2009, il a reçu le Grand Prix de la Ville de Paris, section design, pour son projet CCC. Julie Costaz est née en 1981. Diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Art de Nancy en 2006, elle s’est ensuite spécialisée dans le design textile à l’ENSCI-Les Ateliers à Paris.
Création – Bina Baitel, architecte designer française née en 1977, vit et travaille en France (Paris). Tissage – Atelier Françoise Vernaudon, Nouzerines (Creuse) 2013-2014 Meubles – La Fabrique, Lyon Montage de la tapisserie sur les meubles – Ateliers Charles Jouffre, Lyon Tapisserie de basse lisse, chaîne coton, trame en laine (présence ponctuelle de nylon). Couleurs : 33 couleurs, teinture Thierry Roger, Aubusson (teinture chimique) Dimensions : 7 m² Meubles en chêne
Entre art, design et architecture, « Bina Baitel cultive les expérimentations pour transformer des concepts en objets et en espaces. (…) La designer interroge nos relations et interactions avec les objets qui nous entourent. Elle explore leurs codes communs pour proposer des concepts aux inspirations fortes dans lesquels se confrontent usages et allégories » (Studio Baitel).
Bina Baitel a travaillé sur une déclinaison d’objets évoquant des coulures de matériaux tels que le cuir ou le miroir. Sa tapisserie s’inscrit dans cette même idée faisant s’écouler de deux meubles un lac tissé. Ce micro-paysage renvoie ici aux verdures anciennes d’Aubusson des XVIIe et XVIIIe siècles et aux nombreux étangs identitaires des paysages de Creuse. Le motif évoque une carte topographique. La designer a pensé le tapis comme un lieu, un espace de vie, se référant à un usage oriental du tapis pour s’assoir et partager un moment de convivialité
Création – Diane de Bournazel, peintre et illustratrice née en 1956, vit et travaille en France (Corrèze, entre Brive et Tulle). Tissage – Atelier A2, Aubusson Tapisserie de basse lisse, chaîne coton, trame en laine Dimensions : 180 cm ht x 31,5 cm
Diane de Bournazel est peintre et illustratrice, elle travaille le plus souvent à petite échelle avec la production d’œuvres enluminées, des travaux d’illustration en édition jeunesse et la réalisation de livres d’artistes uniques et précieux. Son univers est poétique, intimiste et feutré, inspiré de cultures et d’art primitif, orientaliste ou précolombien.
La tapisserie Bordure des bois est une extension de format qui rend hommage aux traditionnelles bordures des tapisseries anciennes, riches en détails et motifs étagés, souvent oubliées au profit de la représentation centrale de la tapisserie. Ce zoom sur une bordure des bois ouvre sur d’autres bordures encloisonnant différentes scènes, elles-mêmes petits sujets de tapisseries.
Le passage de l’enluminure et de l’illustration à la tapisserie est le plus souvent heureux et aisé, à Aubusson, il s’est historiquement fait avec les verdures à feuilles de choux du XVIe siècle, plus tard avec un artiste à l’origine enlumineur tel que Dom Robert au XXe siècle et avec les illustrations de Tolkien au XXIe siècle.
La famille dans la joyeuse verdure, Leo Chiachio et Daniel Giannone
2e Prix – Appel à création contemporaine 2013
Création – Léo Chiachio, artiste argentin né en 1969, vit et travaille en Argentine (Buenos Aires) et Daniel Giannone, artiste argentin né en 1964, vit et travaille en Argentine. Tissage – Atelier A2, Aubusson Tapisserie de basse lisse, chaîne coton, trame en laine Dimensions : 3m ht x 5m
Léo Chiachio et Daniel Giannone sont un couple d’artistes, inspirés par leur vie commune qu’ils illustrent dans des œuvres textiles brodées colorées et sophistiquées, à la fois baroques, kitchs et populaires. Eux-mêmes brodeurs, leur notoriété est importante en Amérique du sud. De nombreuses œuvres ont même été offertes à leur chien Piolin qui est de fait propriétaire d’un musée, le Mupi Museo Piolin.
Cette tapisserie jubilatoire est inspirée de l’imaginaire latino-américain, notamment guarani, de la forêt et empreint d’un réalisme magique à la manière des œuvres littéraires de l’Argentin Julio Cortazar ou du Colombien Gabriel Garcia Marquez.
Comme souvent dans leurs travaux, les deux artistes se représentent au centre, ici avec des masques et des plumes d’inspiration guaranie et accompagnés de leur chien Piolin, leur modèle de la famille. La nature apparaît exubérante, foisonnante de vie et décorée de bijoux, ce qui est pour les artistes un moyen de souligner à quel point il est essentiel de la protéger. L’œuvre s’inscrit pleinement dans la tradition et l’histoire des verdures d’Aubusson.
Création – Goliath Dyèvre, designer français né en 1980, vit et travaille en France (Paris) et Quentin Vaulot, designer français né en 1983, vit et travaille en France. Tissage – Atelier de la lune, Aubusson Porcelaine – Atelier Charty Bonneau, Saint Maurice, La Souterraine Tapisserie de basse lisse, chaîne coton, trame en laine Dimensions – chaque pièce 1,80 m ht x 7,20 m l Porcelaine de Limoges Couleurs : teinture Thierry Roger, Aubusson
Tous deux designers, Quentin Vaulot et Goliath Dyèvre ont ici proposé une fiction : un savant fou s’est laissé enfermer dans le musée et a prélevé des fragments de verdures anciennes du XVIe et XVIIIe siècles. Il a travaillé dans un laboratoire secret sur des protocoles de manipulation génétique visant à générer des verdures plus résistantes aux problématiques climatiques contemporaines.
Cinq tapisseries illustrent cinq protocoles expérimentaux permettant de revivifier les couleurs anciennes pour leur donner un nouvel éclat. Des outils de laboratoire en porcelaine sont dédiés aux protocoles qui consistent, de gauche à droite, en 1. l’isolation, 2. l’injection, 3. le croisement, 4. l’exposition lumineuse et 5. l’exposition sonore.
Symboliquement il est ici question de réinjecter de la vie à la tapisserie d’Aubusson, passer outre les aléas du temps qui affadissent les œuvres, une mission impossible. C’est recomposer de nouvelles verdures en scientifisant leur existence ancienne et en leur assurant une nouvelle vie dans un monde moderne et technologique où l’homme saurait préserver une nature en souffrance.
Le peintre Yves Millecamps a fait tisser plus d'une centaine de tapisseries à Aubusson et Felletin.
Yves Millecamps est né en 1930 à Armentières (Nord). Ancien élève de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, il vit et travaille à Poissy et à Saint-Germain-en-Laye.
Attiré dès ses débuts de créateur par l’art mural, il rencontre Jean Lurçat et il compose alors sa première tapisserie, Fond de mer, tissée à Aubusson en 1955 par l’atelier Andraud-Dethève. Après s’être livré pendant plusieurs années à des recherches picturales et plastiques diverses, il exécute en 1963 sa première peinture dans un style géométrique abstrait. Ce style, qui cherche l’harmonie d’ensemble par la rigueur du trait, évoluera régulièrement dans la peinture de Millecamps, mais aussi dans ses tapisseries qui deviennent de plus en plus épurées, jouant du contraste entre les lignes et les surfaces colorées.
Plus d’une centaine de modèles de l’artiste ont été tissés à Aubusson, principalement à l’atelier Pinton. Ces œuvres sont entrées dans des collections particulières ou publiques, comme le grand panneau Les Sciences physiques et chimiques, plus de treize mètres de long, qui décore un mur de l’université de Rennes 1. La galerie parisienne La Demeure, galerie consacrée pendant plus de trente ans à la diffusion de l’art de la tapisserie dans le monde, a souvent présenté les tapisseries de Millecamps, notamment dans deux expositions monographiques en 1969 et en 1973. L’univers de ce peintre cartonnier et son intérêt pour le savoir-faire d’Aubusson ont récemment été mis en lumière par un travail universitaire et une importante monographie (voir la bibliographie).
Yves Millecamps est élu à l’Académie des beaux-arts, section peinture en juin 2001.
Millecamps : tapisseries 1956-1975. Denizeau (Gérard). Paris : Somogy, 2012
L'Art chemin faisant : les oeuvres de l'université de Rennes 1. Cormier (Clarence) ; préface de Patrick Navatte.- Rennes : Université de Rennes 1, 2003.
Hommage du Nord-Pas-de-Calais à Yves Millecamps : peintures (1971-2002). Catalogue d’exposition, Noroit, Arras, 15 mars – 16 mai 2003.
Né près de Fontainebleau en 1878, Paul Jouve est le fils du peintre et céramiste Auguste Jouve.
Le jeune Jouve grandit à Paris, entre l’atelier de son père et les promenades au Jardin des Plantes et au Museum d’histoire naturelle, où il admire les animaux sauvages, les grands fauves en particulier, qu’il commence à dessiner très jeune.
Inscrit à l’École des Arts décoratifs, puis aux cours de l’École des Beaux-Arts, sa formation ressemble pourtant plutôt à celle d’un autodidacte, guidé par son père. Paul Jouve préfère dessiner seul, sur le vif, devant le sujet. Il étudie les poses et les déplacements des félins, cherchant à traduire leur extraordinaire souplesse. Dès la fin du XIXe siècle, il expose dans les Salons comme le Salon de la Société des Artistes français ou encore le Salon de la Société nationale des Beaux-Arts, et devient membre de la Société des Artistes décorateurs. Il rencontre alors les laqueurs Jean Dunand et Gaston Suisse, qui deviendra un ami proche, le sculpteur Bugatti, Marcel Bing (fils du marchand et galeriste Samuel Bing), et participe régulièrement aux expositions, présentant ses dessins animaliers au fusain et ses sculptures en bronze, bien accueillis par les critiques.
Jouve voyage beaucoup et la découverte de nombreux pays – en Afrique du Nord et en particulier l’Algérie, la Grèce, l’Indochine, l’Egypte – influence son travail, lui inspirant des scènes et des paysages d’Orient appréciés.
Déjà au sommet de son art avant 1914, les années d’après-guerre voient sa consécration. Ses talents d’illustrateurs lui valent des commandes importantes et il fournit de nombreuses planches, par exemple, pour Le Livre de la Jungle de Kipling, Le Livre des bêtes qu’on appelle sauvages de Demaison ou pour Paradis terrestres de Colette.
Paul Jouve meurt en 1973.
« Couvert de gloire et d’honneurs, commandeur de la Légion d’honneur, membre de l’Institut de France et de l’Académie royale de Belgique, représenté dans de multiples musées, tant en France qu’à l’étranger et dans de prestigieuses collections, on peut dire que Paul Jouve n’a cessé un seul jour de vivre et travailler pour le dessin, la peinture, la sculpture et la gravure du monde animal. » Félix Marcilhac
Avec Jean Lurçat et ses suiveurs peintres-cartonniers, le mouvement de renaissance de la tapisserie dans les années 1950 a apporté des thèmes renouvelés mais toujours sur un mode représentatif traditionnel. Pourtant, ce mouvement a également porté des explorations graphiques plus diverses : l’expérience de la voie abstraite, avec pour chef de file Victor Vasarely.
En 1951, le plasticien Victor Vasarely est déjà un maître de l’Op’Art, art optique. Il expose ses tableaux à Paris, dans la galerie de Denise René, présentant essentiellement des peintres de l’abstraction géométrique. Vasarely a alors l’idée de composer un carton étudié pour la tapisserie, et il prend contact avec François Tabard, directeur d’un des ateliers les plus importants d’Aubusson : c’est le début d’une longue et fructueuse collaboration entre le peintre, l’atelier et la galerie, jusqu’en 1976.
Il peut sembler surprenant que ce peintre de l’illusion optique, dont la production et les recherches picturales sont considérées à l’époque comme un mouvement d’avant-garde, s’intéresse aux possibilités offertes par le support "tapisserie". En fait, Vasarely veut expérimenter ses inventions : "J’accrois une dimension et je développe mes abstractions dans l’espace (fonctions polychromes, fonctions sculpturales)."
Le rôle essentiel de la couleur dans les constructions bâties par Vasarely a mis en avant le savoir-faire des teinturiers et des coloristes de l’atelier Tabard. L’impact optique et l’illusion de mouvement de la plupart des modèles imaginés par l’artiste reposaient sur un réseau géométrique très précis de segments liés les uns aux autres, et là encore la réalisation du carton demandait une certaine expérience. Vasarely a trouvé à Aubusson la possibilité d’appliquer ses expériences cinétiques et la tapisserie a trouvé avec lui un nouvel espace, en parallèle du "groupe Lurçat".